Pourquoi Commown boycotte l’utilisation d’IA et plus particulièrement les IA génératives

Les rapports élogieux sur l’Intelligence Artificielle sont nombreux, comme avant elle le Métavers était supposé constituer une révolution qui permettrait de lutter contre les désert médicaux ou améliorerait les conditions d’apprentissage des élèves, L’IA est présentée aujourd’hui comme LA SOLUTION. L’IA for good, l’IA frugale, L’Ia for the planet…

Nombreux sont les néologismes crées pour faciliter le déploiement d’une technologie qui n’a d’autre finalité que la surveillance généralisée, le ciblage publicitaire, l’augmentation de la productivité et des profits. Par honnêteté intellectuelle, voici un rapport remis au gouvernement qui sous couvert de préconisation pour encadrer l’IA, invite carrément à ce que notre épargne finance son développement.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que le développement de l’IA est principalement poussé par les GAFAM. C’est donc un outil développé par et pour le capitalisme, basé une nouvelle fois sur l’exploitation de nos données, des personnes et de l’environnement.

La suite de cet article traitera principalement des IA génératives, même si le 1.2 concerne un panel d’IA plus large.

1 C’est une aberration sociale en totale contradiction avec les valeurs portées par le monde coopératif.

1.1 Exploitation et condition de travail déplorable sur la phase d’apprentissage

Pour qu’une IA puisse devenir opérationnelle, elle doit en premier lieu être « éduquée » et cela nécessite des centaines de milliers de retours et de contrôle de son travail. Et pour cela rien de tel que d’exploiter de la main d’œuvre à bon prix. Que ce soit dans les prisons en Finlande, dans des lycées en Chine durant des cours de « formations » aux IA ou bien à Madagascar, des travailleurs « du clic » sous-payés effectuent un travail aliénant et parfois psychologiquement insoutenable.

En effet, comment s’assurer qu’une IA générative d’image ne produise pas « par erreur » des images de pédopornographie qui inondent le web et qu’elle a forcément agrégé comme source d’information dans sa phase d’apprentissage ?

Et bien il faut lui en faire produire et lui expliquer qu’elle ne doit pas les reproduire… Ainsi, des personnes sont sous-payées pour être exposées pendant des semaines à ce type de production graphique. Voir cet article de France info sur ce sujet.

1.2 Dégradation des conditions de travail chez les utilisateurs finaux

Dès 2021 l’Agence Européenne pour la santé et la sécurité au travail alertait sur les risques potentiel des IA sur les conditions de travail.

« À titre d’exemple, l’automatisation des tâches peut induire un travail plus sédentaire et une moindre variation des tâches, les travailleurs se retrouvant face à un travail répétitif. L’automatisation des tâches peut provoquer une sous-utilisation des capacités cognitives et de l’ennui, une pression liée aux performances, une intensification du travail, certains facteurs de risque, tels que l’isolement et le manque de contact avec les collègues, ou encore des répercussions négatives sur le travail d’équipe. Tous ces effets constituent des risques psychosociaux. ».

Elle indiquait aussi à l’époque les risques d’utilisation de l’IA pour la surveillance des salariées et elle vient de publier un rapport spécifiquement sur ce sujet. Elle remarque que malgré les annonces des industriels qui présentent l’IA comme un outil d’amélioration des conditions de travail dans la presse. La majorité des brevets déposés ont pour application la surveillance et la productivité des salariés.

Toutes les entreprises n’utiliseront pas forcements l’IA de façon aussi extrême qu’Amazon qui va jusqu’à licencier ses livreurs automatiquement avec l’IA. Mais il est évident d’un point de vue systémique même si le terme « IA for good » est à la mode, ces technologies ont pour unique objectif l’accroissement du profit et du pouvoir de contrôle des dominants sur les dominés.

Déployer ces techno, même avec les meilleures intentions du monde revient à cautionner ce récit porté par la start-up nation. Pire ; par notre utilisation de ces technos, nous participons aux apprentissages des algorithmes qui par ailleurs pourront être utilisées avec de toutes autres intentions que dans notre écosystème coopératif.

Enfin, pour reboucler avec le premier point comme le dit le sociologue Antonio Casilli, l’automatisation des tâches pour nous signifie souvent « remplacer des personnes visibles par d’autres invisibles, qu’on sépare du reste du monde par un écran.» voir cet article de Liberation.

1.3 Une énième source d’asservissement aux GAFAM et puissance étrangère

Il ne faut pas se leurrer, ce n’est pas parce que Microsoft vient d’annoncer un plan d’investissement de 4 milliard en France que le déploiement de serveur de ce GAFAM sur notre territoire va permettre une soudaine « souveraineté » dans le domaine des IA.

Au-delà de notre asservissement en France par cet intermédiaire, le développement des IA fait peser un risque de néocolonialisme sur les pays du sud. On leur vend encore une fois l’IA comme panacée absolue à leur problématique de développement. Mais là encore, cela se fait sur un accaparement des données numériques de ces pays qui seront ensuite fortement incités à suivre les préconisations des IA. Et probablement que ce seront des entreprises capitalises du Nord qui viendrons prodiguer ces solutions…

1.4 Privatisation des communs et non respect des droits d’auteurs

Pour s’entraîner les IA génératives ont besoin dans un premier temps d’une quantité astronomiques de données, que ce soit des textes ou des images. Toutes ces sources issues du web sans aucune forme de considération des droits d’auteurs (dénoncé à mainte reprises), ont fait l’objet d’une première tentative timide d’encadrement au niveau de l’UE (sans l’aide de la France). Aux USA le débat suite au vol de la voix de Scarlett Johansson par Open IA pousse encore plus loin en avant la dystopie où nos voix pourraient être clonées à notre insu.

Et même si tous les textes utilisés l’étaient depuis des sources comme Wikipédia ou que les images étaient elles sous licences creative comons cela revient à la une forme de privatisation de nos communs.

2 C’est une hérésie environnementale aux nombreuses externalités

2.1 : L’IA nécessite de nouvelle infrastructure et fait bondir l’empreinte carbone du secteur.

Un consensus scientifique se dégage sur le fait que la majorité des impact résident dans la phase de production des terminaux (voir le rapport ADEME/ARCEP par ex). Le problème des IA réside dans le besoin de puissance de calcul astronomique qu’il faut pour traiter les masses de données et faire tourner les algorithme génératif. Ainsi, les serveurs dans le monde entier sont « mis à jours » avec des processeurs plus puissants. Ce renouvellement prématuré et les nouvelles installations de serveur sont directement responsables de l’explosion de plus de 23% de l’empreinte carbone de Microsoft qui reconnaît dans son dernier rapport d’impact le rôle de l’IA.

2.3 : L’utilisation d’IA est particulièrement énergivore

En 2023, l’utilisation d’IA au niveau mondial consommait déjà entre 7 et 11 TWh, ce qui représente environ 0.04% de la demande en électricité (article dans Nature). D’ici quelques années, ce chiffre pourrait croître de plus de 40%.

Certains prédisent déjà une consommation électrique équivalente à celle de l’Irlande en 2027 pour l’IA de Google « Bard » concurrent de ChatGPT (Article France Info).

2.4 : Les serveurs d’IA sont très gourmands en consommation d’eau douce

Forcément, toute cette puissance déployée et cette consommation électrique exigent un refroidissement performant. Ceci implique dans la très grande majorité des cas une consommation d’eau douce massive. Que ce soit pour la phase d’entraînement ou d’utilisation, les besoins sont considérables. Dans le dernier rapport d’impact de Microsoft , l’entreprise explique l’explosion de ses besoins en eau douce par « son développement », directement lié à l’IA. En 2022, ses besoins en eau ont bondit de 34%.

Des conflits d’usages de l’eau seront inévitables à très courte échéance partout sur le globe. Par exemple, l’Uruguay vient de vivre l’une de ses pire sécheresse, conduisant les autorité à alimenter la population avec de l’eau salée. De fait, l’annonce par Google de l’installation d’un nouveau data center a suscité une vive (et légitime) réaction de la population. Ce nouveau data center est supposé consommer de façon journalière l’équivalent de 55 000 habitants.

Mais nous ne seront pas épargnés par ces enjeux chez nous, les prévisions de Météo France sur le sujet sont sans appels :

  • 10% des cumuls de pluie de moins en été en 2050 et 15 à 27 jours supplémentaires de sécheresse des sols en 2050, comparé à la période 1976-2005.
  • 2 fois plus de sécheresse des sols en 2050, comparé à la période 1976-2005
  • 2 MD de m3 d’eau manqueront en 2050 si la demande reste stable

Et les dernières annonces du gouvernement ne vont pas tendre à « stabiliser la demande » :

Que ce soit les projets de « relocalisation » de la production de semi-conducteurs à Grenobles où les conflits d’usage de l’eau sont déjà présent.

Ou bien encore la récente annonce de Microsoft d’investir 4 Milliard en France pour le déploiement de méga data center, tout tend vers une explosion de la consommation en eau douce du numérique chez nous.

Mais pas de stress à avoir, nous pourrons continuer à utiliser l’IA même si nos agriculteurs eux, ne pourront plus irriguer leur culture. En effet, pour préparer au mieux l’arrivé des infrastructures de ce GAFAM en France, le gouvernement travaille sur un projet de loi actuellement qui permettra (voir article 15) au projet de méga data center d’être qualifié « de projet industriel de projet d’intérêt national majeur pour la transition écologique ou la souveraineté nationale ». Les implications de ce qualificatif sont encore floues, mais ils devraient sans doute faciliter les dérogations préfectorales lors des périodes de sécheresses.

3 L’IA s’inscrit à l’extrême inverse du récit de sobriété que nous devons co-construire et rendre souhaitable.

Il est primordial pour nos structures coopératives de développer un contre récit à cette fuite en avant technophile. Nous devons, en tant que mouvement coopératif, incarner une vision alternative de l’avenir autant dans nos offres que dans nos pratiques.

La sobriété va s’imposer à nous d’ici quelques années, autant s’engager avec joie et enthousiasme dans sa direction et tenter de la rendre souhaitable.

L’ADEME a proposé plusieurs scénario pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Le monde coopératif devrait choisir entre les deux premiers : « génération frugale » ou « coopération territoriale » et ne pas succomber aux sirènes du scénario 4 « pari réparateur » dans lequel nous plonge la start-up nation et Macron, son fer de lance.

Pour toutes ces raisons, il nous semble évident chez Commown que nous ne pouvons pas cautionner l’utilisation et le déploiement d’IA au sein de notre coopérative.

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